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Décodeurs de l'UE: 80 % des lois françaises sont imposées par l'Europe ! Vraiment ?

17 janvier 2017

(De www.europe-corse.eu)

20 % et non 80 %

L'idée que 80 % des lois viennent directement de l'Europe est un mythe. Dans le cas de la France, en réalité, c'est plutôt 20 % des lois qui auraient une «origine européenne», un pourcentage qui la situe dans la moyenne d'autres pays de l'Union européenne (entre 10 % et 35 % selon les pays et les différentes méthodes de calcul).

Ce pourcentage présente toutefois d'importantes variations par secteur. Dans l'agriculture ou la pêche, par exemple, où il existe une politique commune depuis des décennies, une grande partie des lois sont d'origine européenne (autour de 40 %). Il en va de même pour des secteurs comme les finances ou l'environnement, où il est nécessaire d'agir au niveau européen afin d'assurer le bon fonctionnement du système ou une protection efficace. Par contre, dans des secteurs comme l'éducation, le logement, la protection sociale ou la défense, où il n'y a pas de politique commune, l'influence de l'Europe dans la législation nationale est très réduite, voire nulle.

Vouloir soumettre les «lois» à une arithmétique simpliste revient à comparer des pommes et des poires. Toutes les «lois» n'ont pas le même poids, ni le même impact, dans la vie des citoyens. De même, certaines règles européennes, comme celles visant à garantir une concurrence équitable au sein du marché intérieur, ou celles relatives à l'Union économique et monétaire, peuvent avoir un effet transversal très large sans pour autant produire de législation (ou très peu).

Origine européenne ne veut pas dire imposée par l'Europe

Parmi les actes législatifs européens, il faut faire la distinction entre les règlements et les décisions, qui sont d'application directe par les États membres (et ne se traduisent pas en «lois» nationales), et les directives, qui établissent un objectif à atteindre dans un délai fixé, mais laissent aux États membres la possibilité de choisir comment, ce que chaque État membre va faire au moyen d'une «loi» qui «transpose» la directive. L'État membre peut décider d'être plus ou moins strict dans l'interprétation et le choix des moyens. Par exemple, dans le cas bien connu de l'interdiction des escabeaux pour les mineurs, ce n'est pas une directive européenne, mais un décret français de 2013 qui l'introduit, alors que la directive (relative à la protection des jeunes au travail) ne mentionne que la nécessité de ne pas exposer les jeunes à des travaux comportant des risques d’effondrement.

Il faut aussi, et surtout, garder à l'esprit que la législation européenne est adoptée par les représentants des États membres et des citoyens, réunis au sein du Conseil des ministres et du Parlement européen, tous démocratiquement élus par une élection générale, dans le premier cas, ou par une élection européenne dans le deuxième. Les parlements nationaux ont également leur mot à dire puisqu'ils sont consultés sur les propositions de loi de la Commission européenne et peuvent bloquer une initiative si un tiers d'entre eux considère que la Commission est allée trop loin. (cf - fiche "L'Union européenne n'est pas démocratique")

L'Europe intervient lorsqu'un État membre ne peut pas y arriver seul

Ce n'est pas parce que l'Union européenne agit au niveau des normes des produits (pour protéger les appellations d'origine, par exemple) et qu'elle intervient face aux grands défis européens et mondiaux (comme la lutte contre le changement climatique ou l'évasion fiscale), qu'elle est partout et que la souveraineté nationale en est entravée.

L'Union européenne agit suivant le principe selon lequel les décisions doivent être prises au niveau le plus proche possible des citoyens et passer au niveau supérieur si, et seulement si, l'objectif ne peut être atteint au niveau inférieur. C'est le principe de subsidiarité (à ne pas confondre avec «secondaire» ou «accessoire» !). Selon ce principe, l'Europe intervient là où les États membres ne peuvent pas atteindre, individuellement, le but recherché, c'est-à-dire, là où l'Europe a une vraie valeur ajoutée. Prenons l'exemple de la législation sur la qualité de l'air ou de l'eau des rivières: cela ne sert pas à grand-chose d'imposer des mesures strictes de contrôle de la pollution au niveau national si les voisins n'appliquent pas les mêmes règles, puisque l'air et l'eau ne connaissent pas de frontières. C'est là où l'Europe doit agir et qu'elle peut apporter une véritable contribution. De même, la suppression des frais d'itinérance pour mobiles - qui concernent l'utilisation de services de téléphonie et d'internet d'un opérateur autre que le sien lors d'un déplacement dans un autre pays de l'Union européenne - nécessite une approche commune au niveau européen afin de garantir les mêmes conditions et les mêmes règles pour tous les opérateurs et éviter une distorsion du marché, tout en assurant la protection du consommateur.

La Commission européenne (l'institution qui propose la législation européenne) s'est également donné pour objectif de se concentrer sur les domaines où cette valeur ajoutée est la plus élevée afin d'optimiser les ressources et d'être plus efficace là où l'action européenne est plus urgente et nécessaire, comme la création d'emploi et l'investissement, la sécurité et la lutte anti-terroriste, ou le problème migratoire. Il s'agit d'être «plus ambitieux pour les grands enjeux, et plus petits et plus modestes pour les petits dossiers», selon les propres termes de M. Juncker, président de la Commission. Le nombre d'initiatives législatives de la Commission a ainsi été réduit de 80 % par an (23 propositions entre 2015 et 2016 et 21 prévues en 2017, contre 130 en moyenne par an pendant la période 2010-2014).

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