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Discours du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker sur le bilan de la présidence lettone et sur le sommet de la zone euro consacré à la Grèce

07 juillet 2015

(De www.europe-corse.eu)

Strasbourg, 07 juillet 2015

Discours du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker sur le bilan de la présidence lettone et sur le sommet de la zone euro consacré à la Grèce
Discours du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker sur le bilan de la présidence lettone et sur le sommet de la zone euro consacré à la Grèce

Sehr verehrter Herr Präsident,Madame la Première ministre,Mesdames et Messieurs les Députés,

Je voudrais de tout cœur rendre hommage au travail accompli par la présidence lettone. Ce fut, vous l'avez dit, Madame la Première ministre, la première présidence de la Lettonie. Pour une première présidence, quelle expérience et quelle performance. Merci, au nom de l'Europe.

Je crois que vous avez fait un travail exemplaire et je voudrais vous rendre hommage pour ce que vous avez fait. Je voudrais tout particulièrement vous remercier d'avoir su prendre à bras le corps un certain nombre de propositions que la Commission avait introduites tout juste avant le début de votre présidence ou pendant votre présidence, notamment en ce qui concerne le plan d'investissement. Quel beau travail que celui entre la présidence, et donc le Conseil, et le Parlement européen pour avoir su mener à bon port, et endéans quelques mois ce projet ambitieux. En vous rendant hommage, je rends également hommage au Parlement qui a su répondre présent lorsqu'il le fallait.

Portée par une présidence ambitieuse, la Commission n'a pas hésité à présenter un certain nombre de propositions dont vous venez de mentionner quelques-unes : l'union de l'énergie, l'union des marchés des capitaux, l'union numérique – tout cela a été possible parce que la Commission se sentait portée par une présidence riche en ambitions.

Je voudrais rendre hommage à votre talent de négociateur. Il est vrai que depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le rôle des Premiers ministres et des Ministres des Affaires étrangères a quelque peu changé. Nous avons une présidence permanente du Conseil donc le Premier ministre n'a pas à présider les Conseils européens. Nous avons la Haute Représentante qui préside le Conseil des relations extérieures. Nous avons une présidence permanente de l'Eurogroupe donc les Ministres des finances sont quelque peu déchargés de leur travail. J'aurais tellement aimé pouvoir vivre ma dernière présidence comme Premier ministre luxembourgeois dans ces conditions parce que j'ai dû présider le Conseil européen, l'ECOFIN, l'Eurogroupe, et donc je connais les contraintes, les honneurs et les malheurs d'une présidence. Vous vous en êtes sortis avec élégance et je voudrais rendre hommage à vos nombreux talents de négociateurs et notamment rendre hommage au travail exemplaire et élégant qui fut fait par votre représentante permanente. Nous sommes des génies, nous les Premiers Ministres, les Présidents, mais sans ceux qui font le vrai travail, nous sommes nuls. Et donc je voudrais rendre hommage ici à la fonction publique lettone, elle est excellente.

[Situation en Grèce]

Ce soir, nous aurons un autre Conseil européen sur ce qu'il est convenu d'appeler la Grèce.

Et j'aimerais dire quelques mots rapides à ce sujet. Je lis dans la presse nationale allemande: «Juncker se cache». Que personne ne se réjouisse trop vite! Je ne me suis pas exprimé sur le référendum grec ni dimanche soir, ni hier. Parfois, il doit être permis de réfléchir avant de parler, et cela ferait du bien à d'autres - y compris aux chahuteurs - d'en faire autant. Je ne me cache pas; je parle du référendum grec pour la première fois au Parlement européen. La démocratie, c'est ici qu'elle se trouve. Les interviews rapides dans la presse ne remplacent pas les débats au Parlement européen. Soit on respecte le Parlement européen, soit on donne des interviews rapides. Je suis ici, au Parlement, parce que c'est envers lui que je suis responsable, c'est à lui que je dois faire rapport. Et je souhaite dire ceci - – je ne voulais pas commencer par là, mais je vais quand même le faire –, on a sévèrement critiqué le rôle joué par la Commission européenne face à la Grèce, surtout dans les États membres qui parlent la langue dans laquelle je m'exprime moi-même à l'instant.

Soit le Parlement veut avoir une Commission politique, auquel cas celle-ci doit aussi pouvoir s'exprimer in politicis. Soit le Parlement et d'autres veulent avoir une Commission composée de hauts fonctionnaires. Je ne suis pas un haut fonctionnaire. Je suis un responsable politique et je trouve néanmoins étonnant que tout le monde puisse parler de la Grèce et de l'avenir de la zone euro, sauf le Président de la Commission. Moi je ne vais pas me laisser baîllonner par qui que ce soit. J'ai été élu. Et il en va de même, je m'empresse de l'ajouter, pour le Parlement européen et pour le Président du Parlement européen. Le Président du Parlement européen participe régulièrement aux réunions du Conseil européen, auquel il fait part de l'atmosphère, des sensibilités, des appréciations du Parlement européen. Et il le fait d'une manière très agréable, même si elle ne plaît pas toujours à tous.

L'idée que le président du Parlement européen vienne au Conseil, fasse un exposé, puis ressorte et se taise avant d'être de nouveau autorisé à entrer est aberrante. Le Parlement européen n'est pas un tigre de papier, il doit aussi s'exprimer entre les Conseils européens sur ce qui se passe en Europe. Quant à moi, je suis reconnaissant au président du Parlement européen de s'être très fréquemment immiscé dans le débat, parfois avec détermination, parfois avec insistance, parfois avec pédagogie, au nom de son assemblée – peut-être pas toujours couvert par un mandat, et je ne le suis pas toujours moi-même. Le Parlement européen n'est pas un tigre de papier et son président n'est pas un marchand de tapis. Il a fait ce qu'il avait à faire.

Ce soir se tiendra donc un nouveau Conseil européen consacré à la Grèce. C'est très bien. Tout le monde dit aujourd'hui que nous devons respecter le vote des Grecs. C'est ce que je fais, moi aussi. Mais j'aimerais aussi comprendre le vote des électeurs et des électrices grecs, des citoyens et des citoyennes grecs. On a posé au peuple grec une question qui ne se pose pas.

Nous devons discuter de manière approfondie sur ce que nous voulons dire quand nous disons que nous respectons le vote des Grecs. Aussi est-il important de savoir à quoi les Grecs ont dit "non". Le peuple grec a majoritairement dit non à une proposition de texte des trois institutions qui était déjà dépassée depuis longtemps lorsqu'elle a été soumise au vote. Jusqu'à jeudi de la semaine dernière, j'ai négocié de manière intensive avec le gouvernement et le premier ministre grecs, et M. Tsipras sait parfaitement que ce qui a été soumis au vote de la population grecque ne correspondait pas à l'état du dossier.

Ce soir, je compte donc inviter le premier ministre grec – je l'ai déjà fait la nuit dernière – à me donner une explication du vote grec, car la question soumise à référendum ne se pose plus depuis longtemps, comme le savent tous ceux qui sont familiers du processus de négociation.

Mais l'important aujourd'hui n'est pas de s'épuiser à savoir qui a raison. Nous devons mettre entre parenthèses nos petits egos, et moi mon grand ego, et nous occuper de la situation telle qu'elle se présente. Et cette situation, c'est que je continue de penser – et je ne changerai jamais d'avis à ce sujet – qu'il faut éviter le Grexit. C'est ma demande et c'est ma volonté.

Ma volonté est toujours d'empêcher le Grexit.

Je suis contre le Grexit.

Il y en a, dans l’Union européenne, qui se sont prononcés, ouvertement ou secrètement, en faveur de la sortie de Grèce de la zone euro.

J’ai une certaine expérience de la vie. Et mon expérience de la vie m’a montré que les réponses simples sont, la plupart du temps, erronées. Je suis contre les réponses simples. En Europe, il n’y a pas de réponses simples. L’Europe, c’est la lutte constante pour trouver des solutions de compromis, c’est aussi la mission que la Commission s’est déclarée prête à assumer, et dont elle continuera de s’acquitter.

Je voudrais que la Grèce, la grande nation grecque, n’ait pas l’impression que nous voulons l'exclure de l’Union monétaire ou de l’Union européenne, et les Grecs avec elle. Personne n’a le droit de vouloir mettre les Grecs à la porte.

Et parce qu’il en est ainsi, la Commission fera des efforts pour que les négociations avec la Grèce reprennent.

Quel genre d’Union européenne serait une Union où on cesse tout à coup de se parler? Dès lors que les nations européennes cessent de se parler, on va vers la fin de l’Union européenne. Et je crois que l’heure est maintenant venue de ceux qui raisonnablement, rationnellement — et aussi passionnément de temps en temps, il faut aussi des sentiments — reviennent s’asseoir autour de la table.

J’ai beaucoup regretté que la délégation grecque ait quitté la table des négociations. On ne fait pas ça en Europe. En Europe, on négocie jusqu’à la dernière milliseconde. Le gouvernement grec ne l’a pas fait, et ce fut une grave erreur.

Le fait que nous nous retrouvions maintenant autour d’une table est une évidence européenne et nous devons essayer de trouver une solution. La solution ne sera pas trouvée aujourd’hui. Et si une solution était trouvée aujourd’hui, elle serait trop simple.

Mais nous allons préparer le terrain pour remettre un peu d’ordre, par des discussions communes et dans un esprit de compréhension et aussi de tolérance mutuelles.

Cela veut également dire qu’il faut mettre immédiatement et entièrement fin à l’escalade de la rhétorique.

Je n'accepte pas – je le dis ici, au cœur même de la démocratie européenne – que les représentants des institutions – et je ne l'accepte sûrement pas concernant la Commission et ses présidents – soient décrits comme des «terroristes» par le gouvernement grec. Nous ne pouvons avoir ce genre de comportement en Europe.

Nous n'avons pas ménagé notre peine, et la Commission la première. Si chacun avait déployé autant d'efforts que la Commission et son président, nous n'en serions pas là aujourd'hui.

Nous nous rencontrerons donc à nouveau ce soir et nous nous efforcerons de mettre en route ces négociations, sans rhétorique inutile, d'une manière telle que nous puissions trouver un consensus.

La Commission européenne, pour sa part, - avec tout le respect qui est dû à ce que le peuple grec a exprimé – souhaiterait savoir ce que ce vote signifie. On me dit qu'il ne s'agit certes pas d'un «non» à l'Europe, on me dit que ce n'est pas un «non» à l'euro. Ce ne peut être un «non» aux propositions des institutions, puisqu'elles n'étaient plus sur la table.

J'aurais souhaité aussi une explication du Premier ministre grec sur le référendum. La balle est plus que clairement dans le camp du gouvernement grec. C'est au gouvernement grec d'expliquer aujourd'hui à Bruxelles comment il envisage de sortir de cet imbroglio.

Pour sa part, la Commission européenne est prête – tout comme son président – à faire tout ce qui est possible pour aboutir à un accord dans des délais raisonnables.

Les Grecs et les Européens peuvent compter sur la Commission européenne.

Je vous remercie.