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Questions et réponses à propos du plan d’action de l’UE contre le trafic d’espèces sauvages

26 février 2016

(De europa.eu)

Pourquoi avons-nous besoin d’un plan d’action de l’UE contre le trafic d’espèces sauvages?

Le trafic d’espèces sauvages est l’une des activités criminelles les plus lucratives au monde, générant entre 8 et 20 milliards EUR par an. Les groupes criminels organisés sont responsables du braconnage et du trafic de millions de spécimens d’animaux et de végétaux souvent gravement menacés qu'ils vendent à leurs clients. Ils utilisent à cette fin du matériel professionnel et des réseaux complexes. L'ivoire, les cornes de rhinocéros, les produits dérivés du tigre, les bois tropicaux et les oiseaux exotiques figurent parmi les produits dérivés d'espèces sauvages les plus convoités sur le marché noir, mais beaucoup d’autres espèces sont également concernées, notamment des reptiles et des pangolins. Le facteur clé à l'origine du développement et de la complexité croissante de ces activités criminelles est la demande croissante en produits issus d'espèces sauvages, notamment en Asie, ce qui a entraîné une forte hausse des prix. Parmi les autres facteurs figurent la pauvreté, la corruption, le manque de ressources pour la mise en œuvre de la législation et les niveaux de sanctions peu élevés, notamment en raison d’un manque d’information. Source de financement pour des milices et des groupes terroristes dans certaines régions d’Afrique, le trafic d'espèces sauvages alimente les conflits et menace par conséquent la sécurité. L’Armée de résistance du Seigneur (LRA) est notamment soupçonnée d’utiliser le trafic d’ivoire en Afrique centrale dans le but de poursuivre ses activités. On estime qu'au cours des dix dernières années, 1000 gardes forestiers ont été tués au cours d’opérations de lutte contre le braconnage dans le monde entier.

Pourquoi le trafic d'espèces sauvages figure-t-il parmi les préoccupations de l’UE?

Le trafic d’espèces sauvages entrave les efforts déployés par l’UE pour faire face à certains problèmes mondiaux urgents. Il s'agit de l’une des plus graves menaces pesant sur la biodiversité. La survie de plusieurs espèces dans la nature est directement menacée par le braconnage et le commerce illicite qui y est associé. Le trafic d’espèces sauvages nuit également à de nombreux objectifs clés de la politique étrangère de l’UE et de l’aide au développement, notamment le développement durable, l’État de droit, la bonne gouvernance, la paix et la stabilité.

En tant que vaste marché pour les produits illicites issus d'espèces sauvages, l’UE est aussi directement touchée par le trafic d’espèces sauvages.

Les produits issus d'espèces sauvages les plus souvent saisis dans l’Union européenne sont les suivants:

  • des reptiles vivants, notamment des tortues, mais également des lézards, des caméléons, des serpents, des iguanes et des geckos. Plus de 6000 reptiles vivants ont été saisis aux frontières de l’UE au cours de la période 2011-2014;.
  • des corps, parties ou produits dérivés de reptiles, dont un total de plus de 9600 spécimens a été saisi pendant la période 2011-2014. La plupart de ces produits étaient des produits en cuir et des peaux de serpents, de crocodiles et de lézards;.
  • des corps, parties ou produits dérivés de mammifères (des peaux en particulier), notamment d'ours, de loups, de grands félins et de la viande de brousse;.
  • des oiseaux vivants et des œufs, dont un total de plus de 500 spécimens a été saisi au cours de la période 2011-2014, principalement des perroquets importés illégalement d’Afrique ou d’Amérique latine vers l’Europe via des pays de transit et dont les prix peuvent être très élevés sur le marché noir, mais également des oiseaux de proie;.
  • des produits médicinaux issus d’animaux (hippocampes, chevrotins porte-musc, pangolins) et de plantes (racine de costus, ginseng d'Amérique, orchidées, bois d’agar, prunier d’Afrique, hoodia et aloe);.
  • des plantes vivantes, principalement des orchidées, des cactus, des euphorbes et des cycadales, dont environ 78 000 spécimens ont été saisis au cours de la période 2011-2014;.
  • d'autres produits souvent vendus illégalement dans l’Union sont les coraux, le caviar, les produits dérivés du bois, les oiseaux et invertébrés morts (corps, parties et produits dérivés).

Les ports et aéroports de l’Union européenne représentent d’importantes plaques tournantes notamment entre l’Afrique et l’Asie et tout particulièrement pour l’ivoire, les cornes de rhinocéros ou les écailles de pangolin. Des produits dérivés d'espèces sauvages (notamment l’anguille européenne, espèce gravement menacée d'extinction) sont également illégalement exportés de certains États membres de l’UE, tant vers d'autres États membres que vers des pays tiers[1].

Pourquoi les mesures existantes ne sont-elles pas suffisantes?

L’Union européenne applique des règles strictes en ce qui concerne le commerce d’espèces menacées: les règles de l'UE relatives au commerce des espèces sauvages. Une directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal exige que tous les États membres fassent en sorte que le commerce illégal d’espèces sauvages soit considéré comme une infraction pénale au titre de leur législation nationale et qu’ils prévoient des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Il existe cependant d'importantes différences entre les différents États membres en ce qui concerne le degré de mise en œuvre et d'application de ces instruments. Ces différences s’expliquent essentiellement par des niveaux variables de ressources, de sensibilisation et des différences de priorités.

De nombreuses mesures ont également été mises en place pour soutenir la lutte mondiale contre le trafic d’espèces sauvages, notamment l'aide au développement apportée par l'UE, des mesures diplomatiques et des politiques commerciales. Toutefois, davantage de mesures peuvent être mises en œuvre pour assurer une meilleure coordination et une approche plus stratégique de l’action de l’Union et de ses États membres.

Un engagement commun de l’UE et de ses 28 États membres en vue d'approuver et de mettre en œuvre efficacement les dispositions du plan d’action au cours des cinq prochaines années, associé à la mise en œuvre des différentes mesures, permettra de faire en sorte que les mesures déjà adoptées par l’Union aient un impact plus important tout en accroissant l’effet de levier de la politique de l’Union européenne en matière de commerce et de diplomatie.

Quels sont les éléments clés du plan d’action?

Le plan d’action s’articule autour de trois piliers: prévention, mise en œuvre renforcée et partenariat mondial.

Le premier pilier, la prévention, prévoit des mesures visant à réduire la demande et l'offre de produits illégaux issus d'espèces sauvages, tant dans l'UE que dans le reste du monde. Cela se fera au moyen des instruments disponibles, qu'ils soient multilatéraux (CITES — Convention on International Trade of Endangered Species) en protégeant les espèces risquant de devenir menacées par le commerce international, ou propres à l'UE, en soutenant des campagnes de sensibilisation et en coopérant avec les secteurs d'activité de l'UE liés au commerce légal d'espèces sauvages. Le plan d’action prévoit que la Commission élabore des lignes directrices d’ici la fin de l'année 2016 dans le but de suspendre l'exportation d'objets en ivoire anciens en provenance de l'UE et de veiller à ce que le commerce d'objets en ivoire anciens au sein de l'UE fasse l'objet d'un contrôle strict de la part des États membres. Afin de s’attaquer aux causes profondes du trafic d’espèces sauvages, le plan d’action prévoit aussi que la politique de l’UE et l’aide financière dans les pays d’origine permettent de veiller à ce que les communautés rurales soient pleinement associées à la conservation des espèces sauvages et retirent des avantages de cette participation. Le plan d'action prévoit également que des mesures multilatérales et bilatérales soient mises en place pour faire face à la corruption liée au trafic d’espèces sauvages.

Le deuxième pilier est axé sur l’amélioration de la mise en œuvre et de l’application des instruments existants et l'intensification de la lutte contre les groupes criminels organisés.

L'application de la réglementation européenne déjà en place en matière de commerce d'espèces sauvages sera renforcée à travers une meilleure coopération entre les agences d’exécution compétentes, la mise en place de formations adéquates, la définition d'objectifs prioritaires à l’échelle de l’Union avec le soutien d’Europol et une meilleure coopération transfrontalière entre les États membres de l’UE. Le plan d’action souligne notamment la nécessité pour l’Union européenne de surveiller activement la mise en œuvre de la réglementation de l’UE relative à l'importation de trophées de chasse, en vue de garantir que ces trophées sont d’origine légale et durable. En ce qui concerne le trafic organisé d’espèces sauvages, le plan d’action prévoit des mesures visant à sensibiliser davantage les experts du crime organisé sur le trafic d’espèces sauvages, afin d'encourager la lutte contre le blanchiment d’argent ou la cybercriminalité qui y sont liés. Le plan d’action encourage également les États membres de l’Union européenne à réexaminer leur législation nationale afin que le trafic organisé d'espèces sauvages soit considéré dans toute l'UE comme une infraction grave en vertu de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, autrement dit qu'il soit passible d'une peine d'emprisonnement maximale d'au moins quatre ans. Le plan d’action confirme également que, conformément au programme européen en matière de sécurité, l’efficacité de la directive 2008/99 relative à la criminalité environnementale sera réexaminée en 2016, notamment en ce qui concerne les sanctions pénales applicables dans l'ensemble de l'UE en cas de trafic d'espèces sauvages. Le plan d’action appelle enfin à une amélioration de la coopération internationale en matière de répression en participant aux opérations répressives, à l'assistance technique et au soutien financier ciblé organisés au niveau international.

Le troisième pilier vise à renforcer le partenariat mondial entre les pays d'origine, les pays de destination et les pays de transit en matière de lutte contre le trafic des espèces sauvages.

Cela implique un accroissement stratégique du soutien financier de l’UE consacré à la lutte contre le trafic d’espèces sauvages dans les pays d’origine, à l'aide au renforcement des capacités en matière d’application de la législation et aux efforts visant à garantir des sources de revenus durables pour les communautés rurales vivant dans les zones avec une forte présence d'espèces sauvages. Le plan d’action prévoit que l’UE fasse figurer le trafic d’espèces sauvages dans son programme d’action diplomatique, afin d'encourager les progrès à l'échelle bilatérale, régionale et mondiale avec les pays tiers, organisations internationales et représentants de la société civile concernés. L'Union doit également utiliser sa politique commerciale et ses instruments à cette fin. Le plan d'action prévoit une meilleure prise en considération et gestion du lien entre le trafic d'espèces sauvages et la sécurité à travers les différents mécanismes bilatéraux et multilatéraux. Enfin, il soutient fermement l’adoption et la mise en œuvre d’engagements visant à lutter contre le trafic d'espèces sauvages grâce aux instruments internationaux et dans le cadre des enceintes internationales.

Comment le plan d’action sera-t-il mis en œuvre?

Pour que le plan d'action soit mis en œuvre efficacement, une coopération étroite est nécessaire au niveau de l’UE (la Commission, le Service européen pour l’action extérieure et les délégations de l’UE dans les pays tiers, Europol et Eurojust) et des États membres, y compris les réseaux diplomatiques de ces derniers. C'est pourquoi la Commission propose que ce plan d’action soit soutenu politiquement par le Conseil.

Le plan d’action prévoit 32 actions définissant clairement qui est responsable de la mise en œuvre, dans quels délais et les résultats escomptés.

La Commission supervisera régulièrement la mise en œuvre et déterminera au terme de la période de 5 ans dans quelle mesure le plan d’action a produit les résultats espérés.

Quel soutien l’UE fournit-elle aux pays en développement en matière de lutte contre le trafic d’espèces sauvages?

Au cours des dernières décennies, l’UE a apporté son soutien à un grand nombre de programmes visant à aider les pays en développement à lutter contre le trafic d’espèces sauvages, notamment dans le cadre de son programme phare «Biodiversity for Life» («La biodiversité pour la vie»). Rien qu'en Afrique, l’UE a consacré plus de 500 millions EUR à la conservation de la biodiversité au cours des 30 dernières années, dont environ 160 millions EUR sont alloués à des projets en cours qui ont joué un rôle essentiel dans la création et la gestion de zones protégées. Un grand nombre de projets visant à renforcer la gouvernance et l’État de droit contribuent également indirectement à renforcer les capacités de mise en œuvre.

Environ 700 millions EUR ont déjà été alloués à des activités relatives à la protection des espèces sauvages africaines pour la période de 2014 à 2020, associant un large éventail d’instruments, dans le but d’aider les pays en développement à préserver leurs ressources naturelles et les espèces sauvages, tout en créant de réels avantages pour les populations vivant dans des foyers de biodiversité.Dans les années à venir, la politique de l'UE en matière de coopération au développement et les programmes consacrés à la conservation de la vie sauvage seront guidés par le rapport Au-delà des éléphants: Éléments d’une approche stratégique de l’UE pour la conservation de la nature en Afrique.

Certains projets récents sont spécifiquement destinés à lutter contre le trafic d’espèces sauvages:

  •  avec 1,73 million EUR, l’Union européenne apporte la contribution la plus importante au Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, qui comprend la CITES, Interpol, l’ONUDC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime), la Banque mondiale et l’Organisation mondiale des douanes. Ce consortium travaille essentiellement à la coordination internationale des efforts d’application de la législation et au renforcement des capacités répressives, notamment en encourageant les États à utiliser sa boîte à outils analytique sur la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts (Wildlife and Forest Crime Analytical Toolkit);.
  •  en décembre 2013, la Commission a approuvé le financement d’un nouveau programme MIKES (Minimising the Illegal Killing of Elephants and Other Endangered Species) à hauteur de 12,3 millions EUR. Ce programme fait suite à un programme précédent visant à assurer un suivi de l’abattage illicite d’éléphants (MIKE) dans le cadre duquel le secrétariat de la CITES a reçu une contribution globale de 12 millions EUR pour 71 sites en Afrique et en Asie. Le nouveau programme met davantage l’accent sur l’application de la législation, et couvre également d’autres espèces menacées dans les régions des Caraïbes et du Pacifique;.
  •   l’UE s’apprête également à lancer un nouveau programme mené conjointement par la CITES et l’ONUDC et visant à renforcer les services répressifs, à prévenir les infractions liées au trafic d'espèces sauvages, à enquêter sur ces infractions et à en poursuivre les responsables, tout en réduisant la demande de produits illicites issus d'espèces sauvages en Asie du Sud-Est (grâce à un financement de 5 millions EUR).

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Qu’a fait également l’UE jusqu’à présent pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages à l'échelle mondiale?

L’UE prend part activement à la convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES), dont l'objectif est d’assurer que le commerce d’environ 35 000 espèces animales et végétales protégées ne menace par leur survie. Depuis juillet 2015, l’UE est partie à la convention en plus de ses 28 États membres, ce qui renforce sa voix. Au cours des récentes réunions, l’UE a appuyé la mise en place de mesures fortes visant à assurer le respect de la législation, et même l'adoption de sanctions commerciales le cas échéant pour les pays qui ne respectent pas les obligations qui leur incombent en vertu de la convention.

L’UE utilise également des instruments de politique commerciale pour améliorer la mise en œuvre des accords multilatéraux en matière d'environnement, tels que la CITES. Des dispositions sont régulièrement incluses dans les accords de libre-échange de l’UE (ALE) avec des pays tiers et il est également prévu qu'elles figurent dans l'accord de partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI). Un certain nombre de pays en développement qui ratifient et mettent en œuvre des conventions internationales sur le développement durable et la bonne gouvernance (notamment la CITES) bénéficient de préférences commerciales supplémentaires, à travers le système de préférences généralisées (SPG+).

Que fait la communauté internationale pour remédier à ce problème?

Au niveau international, le trafic d’espèces sauvages fait depuis quelques années l'objet d'une attention accrue dans un certain nombre d’enceintes importantes. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies comporte un objectif spécifique visant à «prendre d’urgence des mesures pour mettre un terme au braconnage et au trafic d’espèces végétales et animales protégées et s’attaquer au problème sous l’angle de l’offre et de la demande» (objectif 15.7).

L’Assemblée générale des Nations unies a adopté pour la première fois une résolution spécifique sur ce sujet en juillet 2015, sur la base d'une résolution adoptée lors de la première Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE) en juin 2014, laquelle est elle-même fondée sur une initiative commune entre l'UE et l'Afrique encourageant vivement les gouvernements à s'engager à mener des actions ciblées pour éradiquer l'approvisionnement en produits illicites issus d'espèces sauvages, ainsi que le transit et la demande de tels produits. Les dirigeants du G7 se sont engagés à lutter contre le commerce illicite d’espèces sauvages dans la déclaration du sommet en juin 2015. Le Conseil de sécurité des Nations unies a étudié le lien entre le trafic d’espèces sauvages et l’instabilité en République démocratique du Congo et en République centrafricaine. L’Union africaine est en train de mettre au point une stratégie à l'échelle continentale contre le trafic d’espèces sauvages. En février 2014, les États-Unis ont adopté une stratégie nationale, dont la mise en œuvre est supervisée par un groupe de travail spécifique mis en place par le président Obama.

Quel est le rôle du Parlement européen et des parties prenantes dans l’élaboration de ce plan d’action?

Le Parlement européen a demandé l'élaboration d'un plan d'action de l'Union dans une résolution adoptée en janvier 2014. La Commission a mené une vaste consultation des parties prenantes, avec notamment l'organisation d'une conférence internationale d’experts sur ce sujet au printemps 2014. Un grand nombre de parties prenantes, dont des États membres, des pays tiers, des organisations internationales, des ONG et des citoyens ont apporté leur contribution (voir les résultats de la consultation). Les parties concernées ont également apporté leur contribution à la feuille de route pour l’élaboration du plan d’action et une réunion spécifique a été organisée pour examiner avec des responsables de l'application de la loi, des procureurs et des juges des États membres les moyens de lutter plus efficacement contre le trafic d’espèces sauvages dans l’Union. Des discussions ont également été organisées avec des experts des États membres par l'intermédiaire de groupes de travail du Conseil.

Voir également le communiqué de presse de la Commission européenne sur le trafic d'espèces sauvages.

[1] Pour plus d’informations à ce sujet, voir le document de travail des services de la Commission «Analyse et preuves à l’appui du plan d’action de l’UE contre le trafic d’espèces sauvages» ((SWD (2016)38).